LES
SENECHAUX
Les
sénéchaux (ou dapifer : porte-plats) du palais apparaissent avec les Mérovingiens.
D’origine
germanique, le terme désigne l’un des premiers serviteurs de la
maison des rois francs.
Avec
la suppression de la fonction de maire du palais, les sénéchaux acquièrent
de nombreuses attributions politiques et militaires sous les
Carolingiens et les premiers Capétiens : ne servant plus le roi que
lors des grandes cérémonies, ils le suppléent éventuellement à la tête
de l’ost royal (l’armée féodale), sont administrateurs des
domaines royaux et chefs de la justice.
Enfin,
durant le sacre, un sénéchal honorifique, créé pour l’occasion,
garde l’épée du roi au moment de l’onction.
Choisis
parmi les puissants les plus fidèles du roi, les sénéchaux disposent
en définitive d’un pouvoir considérable redouté des Capétiens.
C’est pourquoi, à plusieurs reprises, les rois s’abstiennent de
pourvoir cet office ; et à la mort de Thibaut de Champagne en 1191,
Philippe Auguste le laisse définitivement vacant.
Les
attributions du sénéchal sont alors réparties entre le connétable et
le grand maître de France.
À
partir du XIIe siècle, apparaissent, essentiellement dans le sud et
l’ouest de la France, les sénéchaussées qui sont des
circonscriptions juridiques à l’intérieur du domaine royal — les régions
orientales et septentrionales étant divisées en bailliages et soumises
à l’autorité de baillis.
Le
titre de sénéchal, déjà présent dans ces provinces récemment
rattachées à la couronne, est alors donné aux officiers royaux à la
tête d’une de ces circonscriptions. Le modèle des baillis et des sénéchaux
est emprunté par Philippe Auguste au système anglais.
Les
sénéchaux sont ainsi les agents du roi anglais en Aquitaine et en
Anjou. Les baillis, quant à eux, sont également empruntés aux
Plantagenêts et exercent en groupe des missions ponctuelles à
l’image des missi dominici carolingiens ; peu à peu, l’étendue de
ces missions est circonscrite et elles deviennent individuelles.
Sénéchaux
et baillis sont nommés par le roi « en son conseil » ; il peut
librement les déplacer et les révoquer. Leur rémunération se fait
par gages, augmentant ainsi leur dépendance vis-à-vis du monarque ;
ces gages connaissent une forte dévaluation aux XIVe et XVe siècles en
même temps que les sénéchaux et les baillis se stabilisent, par effet
de compensation, en s’alliant aux élites locales.
L’autorité
des baillis et sénéchaux est considérable à la fin du Moyen Âge :
ils possèdent, à l’échelon local, tous les pouvoirs du roi dans son
royaume. Ainsi, ils reçoivent, en lieu et place du roi, l’hommage des
vassaux. Ils dirigent également la police locale, contrôlant, par
exemple, l’organisation des foires et marchés. Ils sont chargés de
transmettre les décisions royales et d’assurer, en cas de besoin, la
levée du ban et de l’arrière-ban.
Sur
le plan judiciaire en particulier, les sénéchaux et les baillis
connaissent les appels des décisions prises par les tribunaux des prévôtés
et des châtellenies. Ils jugent en première instance pour les délits
relevant du criminel à concurrence de 200 livres d’amende — mais
leurs décisions peuvent être révisées en appel par les présidiaux
et les parlements.
Progressivement,
baillis et sénéchaux doivent s’entourer de nombreux commis,
d’abord pour les questions financières (les receveurs sont créés v.
1295) ; ces commis acquièrent dès le XIVe siècle leur autonomie par
rapport aux baillis et aux sénéchaux.
En
matière de justice, un garde-scel (garde de sceau) leur est associé en
1331, puis les tribunaux autonomes sont institués pour pallier leurs
absences.
En
1499, une ordonnance leur adjoint un lieutenant gradué en droit ; cette
même ordonnance exige que les sénéchaux et les baillis soient
d’origine noble.
C’est
à la même époque que sénéchaux et baillis « de robe longue » ou
« d’épée » voient leur rôle effectif décliner au profit de celui
de leurs lieutenants.
La
création des intendants à partir du règne d’Henri II réduit encore
l’importance de la fonction des baillis et des sénéchaux ; dès la
fin du XVIe siècle, ils ne conservent qu’une fonction honorifique qui
leur permet, par exemple, de présider les assemblées de sénéchaussée
lors des préparations des états généraux.
À
la fin du règne de Louis XVI, en 1788, le garde des Sceaux Lamoignon
tente de réformer les bailliages et les sénéchaussées, en délimitant
clairement les ressorts des juridictions et les attributions précises
des sénéchaux et des baillis.
Cette
réforme, qui rencontre l’opposition des parlements, devient caduque
avec l’abolition du système sous la Révolution.
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