Mise à jour le : 22/05/04

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On peut déjà se demander : pourquoi un nom de famille ? Pour une raison toute pratique : distinguer plus aisément les homonymes.

Les prénoms, ou pour être plus juste (car un pré-nom suppose déjà un nom de famille), les noms de baptême ont toujours connu des vogues. Si les enseignants s’arrachent les cheveux aujourd’hui lorsqu’ils sont confrontés à trois Kevin par classe, il devait exister autrefois plus d’un Jean et plus d’une Marguerite par village. La nécessité de les distinguer s’est rapidement fait sentir.

Il fallait donc accoler au nom de baptême un autre nom. L’usage est certainement très ancien, il serait malaisé de déceler les transitions entre le système romain à trois noms, la dénomination unique germanique et l’usage du nom à deux termes.

La façon dont ce deuxième nom est devenu nom de famille héréditaire est encore mal connue. On peut avancer qu’il s’agissait d’imiter les nobles qui se transmettaient le nom de leur terre en ligne patrilinéaire. Cette tendance semble aussi coïncider avec une évolution sociale, à savoir le renforcement du rôle du père de famille aux XIIIème et XIVème siècles… Les matronymes comme LAROUSSE sont assez rares.

On peut définir trois catégories de patronymes selon leur origine :

1) Les noms de baptême.

Ces noms obéissaient à des phénomènes de mode. La plupart sont issus du calendrier chrétien :

  • saints et évangélistes comme Matthieu et ses formes bretonnes Mazé, Mahé

  • personnages bibliques comme Salomon ou David.

Les noms celtiques tiennent aussi une place importante :

  • saints bretons, gallois, irlandais comme Efflam, Ronan ;

  • noms celtiques traditionnels tels que Tanguy, Conan, Goulven.

L’utilisation de ces noms de baptême comme noms de famille peut se comprendre comme signifiant Untel (fils d’) Untel. Cet usage très répandu demeure dans d’autres pays, marqué par un suffixe comme -ez, -itch, ou par un préfixe comme le Mac- gaélique et le Ap- gallois. On trouve encore dans le Léon des ABIVEN, "fils d’Iven" ; ABGRALL ; APPERE…

2) Les surnoms.

Plus ou moins flatteurs, ceux-ci restent le meilleur moyen d’identifier une personne au sein d'une communauté. Leur variété est infinie. Ils peuvent se rapporter à :

  • la profession (CALVEZ, "charpentier" ; GUYADER, "tisserand") ;

  • un détail physique (Le BIHAN, "le petit" ; TROADEC, "grands-pieds") ou vestimentaire (BEREZAY,de Berr-e-sae, "celui qui porte une tunique courte") ;

  •  un trait moral (Le MAT, "le bon" ; Le FUR, "le sage") ;

  • une action d'éclat ou pas si fréquente (CROGUENNEC, de krogenn, ‘coquille’, pourrait désigner ceux qui ont accompli le pèlerinage à Saint-Jacques) ;

  • l’origine (Le GALL signifiant "le Français" ; Le SAUX, de Saoz, "l’Anglais"). On ne peut exclure dans ce cas qu’il s’agisse d’un sobriquet plutôt que d’une origine réelle ;

  • une attitude qui ne convient guère à son rang, ou un rôle tenu lors de représentations de théâtre populaire, tels les Le PAPE, Le COMTE, Le MAREC (chevalier)…

3) Les toponymes.

Autre solution pour identifier une personne : accoler à son nom celui du lieu où elle vit. Per Ar Vourc’h (Pierre du bourg), Yann Penn Ar C’hoat (Jean du bout du bois), Soiz An Ti Meur (Françoise de la grande maison). Ces surnoms ont pu donner les patronymes Le VOURCH, PENNARHOAT, Le TIMEUR et variantes.

Les noms de hameau ou de village sont aussi très fréquents dans nos patronymes : KERRIOU, KERAUFFRET, KERANDRAON… On peut aussi rencontrer des noms de villes tels QUINTIN, GUINGAMP, ou de pays tels TREGER, KERNE…

 

Pourquoi s'intéresser à la signification des patronymes ?

Pour ceux d’entre nous qui restent sur leur faim après avoir feuilleté les registres paroissiaux des XVIème ou XVIIème siècles à la recherche de leurs plus vieux ancêtres identifiables, le patronyme est une invitation à remonter 3 ou 4 siècles plus loin. Chaque nom nous parle d’un ancêtre qui vivait à une époque où nous en comptons tous quelques millions…

Il faut se garder toutefois d’un mauvais usage des dictionnaires anthroponymiques. JEZEQUEL est bien basé sur Iud-ic-Haël, "Guerrier-Généreux" en vieux breton, cependant votre ancêtre se nommait Jezekel non parce qu’il était un "guerrier généreux", mais parce que ses parents avaient une dévotion particulière pour Saint Judicaël, ou bien parce que le parrain s’appelait ainsi, ou pour quelque autre raison du même ordre que celles qui président aujourd’hui au choix d’un prénom.

Bref, un nom ne peut nous donner plus que ce qu’il a, et c’est déjà beaucoup.

Il faut encore indiquer que certains noms sont rétifs à l’interprétation et qu’il existe des vogues étymologiques qui font qu’à certaines époques par exemple des auteurs ont privilégié des interprétations germaniques ou latines. Or, en Basse-Bretagne, l’onomastique bretonne est surtout celtique. Il est difficile d’avancer des interprétations sans connaître le breton et éventuellement d’autres langues celtiques (de même que la connaissance du gallo sera une aide précieuse pour comprendre les noms de Haute-Bretagne).

Si l’on prend l’exemple du patronyme OMNES, Dauzat émettait l’hypothèse du surnom d’un chantre qui aurait particulièrement apprécié le psaume 47 commençant pas « Omnes populi… ». C’est assez poétique, mais on dispose aujourd’hui d’une autre étymologie qui se base sur l’ancien gallois efnys, « furieux, hostile ».

Il faudra donc multiplier les sources pour certains patronymes problématiques, et pourquoi pas, formuler ses propres hypothèses.

 

Quelques évolutions fréquentes des noms de famille bretons

  • apparition / disparition de l’article, ex : Le GALL, GALL

  • agglutination de l’article français ou breton, ex : LORIENT, NORIENT

  • disparition d’une lettre non-prononcée, ex : CALVEZ CALVE ; APVRIL AVRIL

  • évolutions phonétiques, ex : PARCO PARCOU ; CHOVEL JOUVELLE

  • mutations initiales, ex : BAUSSON VAOUSSEN

  • traductions, ex : BOISSIERE BEUZIT

  • lettres doublées, ex : CONAN CONNAN

  • dissimilations, ex : FERLICOT FRELICOT

  • phénomènes d’attraction, ex : MOIGN (manchot) MOINE ou ROLLAND LAURENT

  • conventions orthographiques, ex : FLOCH FLOC’H ; LARCHANTEC LARHANTEC (les recteurs étaient bien ennuyés pour rendre ce son qui n’existe pas en français, la graphie c’h du père Maunoir ayant mis beaucoup de temps à s'imposer).

Le breton

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