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Ses carnets retrouvés :
sur les traces d'Anatole Le Braz
Article paru dans Le Télégramme du 24.01.1998


Le mystère subsistait autour des carnets d'enquêtes d'Anatole Le Braz (La Légende de la mort - Les saints bretons d'après la tradition populaire). Ses plus grands succès étaient-ils nés d'une plume imaginative et romancée ou le Trégorois de Port-Blanc avait-il réellement fait oeuvre de folkloriste, fidèle à ses informateurs de la fin du XIX° siècle ? Deux ethnologues du CRBC (1) ont balayé le doute.


Anatole Le Braz mérite-t-il de figurer aux côtés de la Villemarqué et de Luzel ? Beaucoup en ont douté, remettant en question son important matériel (chansons, contes et légendes) collecté à travers cette Bretagne de la fin du XIX° siècle. Ses carnets d'enquêtes auraient été d'une grande utilité, simplement en les confrontant aux ouvrages publiés. Mais il ne restait plus rien de ces longs trajets de pays en pays, aucune trace d'un Anatole Le Braz allant, carnet en main, de ville en village, de ferme en maison, à la rencontre de ces détenteurs du savoir populaire.

Minutieuse recherche

C'était sans compter sur la ténacité du directeur du CRBC, Donatien Laurent, qui avait déjà retrouvé en 1964 les fameux carnets d'un certain Théodore Hersart de la Villemarqué.

En 1984, après avoir remonté la piste d'une de ses filles, Maggie Le Braz, il arrivait à joindre un petit-fils d'Anatole Le Braz installé à Alicante en Espagne. Le chercheur brestois s'empressait de l'interroger sur son grand-père. Aucune trace des carnets... La mémoire familiale les disait disparus à Barcelone lors de l'incendie d'une banque en 1936.

Un an plus tard, Donatien Laurent recevait un appel de ce même petit-fils : "je viens de retrouver tout-à-fait par hasard de vieux carnets dans un carton, venez les voir !".

Quatre ans de travail

Toute l'oeuvre d'Anatole Le Braz était là, une centaine de petits carnets contenant nombre de chants traditionnels (gwerziou et soniou), de contes, de légendes, descriptions de paysages, de monuments, notes de lectures... Dès 1994 et pendant 4 années, Alain Tanguy (2), un jeune ethnologue originaire de Santec, va emboîter le pas du Trégorois, à travers quatre carnets rédigés de 1890 à 1895. Les textes recopiés ou pris directement sous la dictée sont transcrits, finement analysés et scrupuleusement comparés aux publications. La confrontation est saisissante.

Véritable folkloriste

Certains carnets permettent de suivre pas à pas Anatole Le Braz dans des pérégrinations. "S'il a parfois remanié et littérarisé les données que lui fournissait le terrain, il ne l'a fait qu'occasionnellement (particulièrement dans Les saints bretons d'après la tradition populaire qui ne s'écarte que très rarement des carnets) conclut Alain Tanguy, convaincu d'avoir étudié le travail d'un véritable folkloriste.

Ces carnets (bientôt publiés) constituent une documentation inédite d'une extraordinaire richesse sur la Bretagne du siècle dernier. Le Braz réhabilité aux yeux des spécialistes ? Il y a tout lieu de le penser.

Stéphane Jézéquel


  1. Centre de recherche bretonne et celtique à Brest, à la faculté des Lettres Victor Ségalen.
  2. Alain Tanguy vient de soutenir une brillante thèse intitulée "La culture orale en Bretagne à travers les carnets d'enquêtes inédits d'Anatole Le Braz (1890-1895)", première thèse du nouveau cursus en ethnologie à Brest.

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