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Pékin : 25 Bretons repoussent 10.000 "Boxers"
Article paru dans Le Télégramme du 20 juin 2001


le Lieutenant de Vaisseau Paul Henry

Un jeune officier de marine originaire des Côtes du Nord, le Lieutenant de Vaisseau Paul Henry, et trente marins confiés à son commandement dont vingt-quatre Bretons, menèrent un combat héroïque en 1900, à Pékin, sous les murailles de la Cité interdite. Bien loin des côtes d'Armorique, ce modeste contingent représentait l'essentiel de l'apport français à un corps expéditionnaire international chargé de protéger les ressortissants occidentaux menacés par la sanglante révolte des "Boxers".


Les défenseurs de Pé-T'ang assiégés dans Pékin


Né à Angers, en novembre 1876, Paul Henry est le second d'une famille de neuf enfants. Ce garçon studieux, pétri de foi chrétienne, tirait d'ailleurs sa plus grande joie des retrouvailles familiales, dans la propriété de Kergresq située sur la commune de Plougrescant dans les Côtes-du-Nord de l'époque. Cette Bretagne aux côtes sauvages fut son pays de prédilection. Elle contribua fortement à sa vocation de marin. C'est ainsi que, selon ses vœux les plus chers, après l'école navale en 1893 puis ses classes d'aspirant sur divers bâtiments, il fut embarqué en janvier 1900 à Saïgon sur le " D'Entrecasteaux ", croiseur de 8000 tonnes et de 600 hommes, en qualité d'Enseigne de Vaisseau fraîchement et brillamment sortie de l'école des fusiliers marins de Lorient. Alors que le jeune officier croise en Asie, en Cochinchine, au Japon et le long des côtes de Chine, les nouvelles de plus en plus alarmantes parviennent au sujet des troubles qui menacent la sécurité des étrangers présents dans le pays.

Folie nationaliste

Après les guerres de l'Opium, qui se sont soldées par l'humiliation de la Chine face au Royaume-Uni, puis la guerre sino-japonaise, le ressentiment du peuple chinois à l'égard des puissances occidentales, alimenté par la crise économique et encouragé plus ou moins implicitement par le pouvoir impérial, prend les proportions d'une explosion de haine nationaliste et anti-européenne. Les massacres d'Européens s'intensifient et se concentrent sur les missions religieuses puis sur les légations internationales. Des groupes de " Boxers " (1) du prince Tuan - l'homme de confiance de l'impératrice douairière Cixi - soutenus par cette dernière, arrivent en nombre à Pékin et ne tardent pas à menacer directement les places tenues par les Européens et les chrétiens en général. Ils pillent, incendient et massacrent sans retenue.

3.400 vies à défendre

Un corps expéditionnaire international est alors constitué auquel, bien entendu, participe la France. Paul Henry, alors âgé de 23 ans, se porte volontaire pour commander le corps de débarquement de son bâtiment. Il arrive ainsi à Pékin, le 1er juin 1900, avec mission de défendre le Pé-T'ang, quartier de la cathédrale où officie Mgr Favier, situé presque au centre de Pékin dans la ville impériale. Il dispose de trente marins et sur ces trente se trouvent vingt-quatre Bretons dont les noms - Jouannic, Mingam, Marec, Prigent, Callac, Guézennec, Louarn, Peuziat, Ruello, Le Quéré... - disent clairement l'origine. Intrépide, comme porté par sa foi, Paul Henry entreprend alors une tâche monumentale pour fortifier le Pé-T'ang. Il y a là, sous sa responsabilité, 3.400 personnes réfugiées dont une soixantaine d'Européens. Il dispose pour toute puissance de feu de trente fusils Lebel et de sept ou huit fusils chinois. Heureusement, il reçoit le 5 juin le renfort providentiel d'un détachement de dix marins italiens encadrés par un aspirant de marine.

Les assauts de 10.000 Boxers

Le talent et le courage du jeune chef et de ses Bretons vont permettre à l'établissement de tenir pendant deux mois et demi face aux assauts incessants de huit à dix mille Boxers auxquels se joignent des troupes régulières chinoises. En plus des privations dues au siège, les marins essuient les tirs incessants de mitrailles, des tirs de mines et de canons mis en batterie par l'armée régulière chinoise. La défense, remarquablement efficace, permet aux assiégés de résister - y compris après le 17 juillet, date à laquelle une trêve a été signée entre les légations et le gouvernement chinois - lorsque les assauts des Boxers se concentrent sur le Pé-T'ang, que le prince Touan leur a sans doute abandonné pour assouvir leur soif guerrière.

Mortellement touché

Paul Henry montre l'exemple en tout et n'hésite pas à s'exposer plus que ses hommes pour sauver des situations critiques ou entreprendre des actions offensives. C'est ainsi que le 30 juillet, alors qu'il se précipite dans un secteur où une canonnade a réussi à démanteler un mur stratégique, il est mortellement touché par deux balles de fusil. Ce sera la dernière grande offensive des Boxers. Le 16 août, la colonne des secours entre à Pékin et livre une courte bataille couronnée par la victoire. (1) Ce sont les Occidentaux qui attribuèrent le nom de Boxers aux membres de la secte " Yihetuan " (" Poings de justice et de concorde "), fondée dans le Shandong vers 1770, parce qu'ils pratiquaient un art martial comparable à de la boxe. La devise portée sur leurs drapeaux signifiait "Anéantir l'Européen ". Si le pouvoir chinois dénonçait officiellement leur action, en réalité il la soutenait .

Bernard Chancerelle

Paul Henry. Centenaire à Plougrescant

L'Enseigne de Vaisseau Paul Henry reste comme le jeune Breton intrépide qui a sauvé d'une mort certaine des milliers de vies en limitant au maximum les pertes dans ses propres rangs : trois marins tués et sept blessés. Son nom a été attaché à plusieurs bâtiments de la marine nationale, le dernier en date était un Aviso Escorteur, retiré du service il y a quelques années. Il sera donné à une promotion de fusiliers marins de l'école de Lorient. Sa tombe et un monument, rénovés en 1999, se situent à proximité de l'église de Plougrescant dans les Côtes d'Armor. Le 30 juillet prochain, jour centenaire de sa mort, sa mémoire y sera honorée lors d'une cérémonie publique, en présence de nombreux représentants du conseil municipal, de la marine nationale et de la famille.


Bernard Chancerelle


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