Mise à jour le : 30/03/04

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   Par Jean-Claude LE BLOAS (dec 2000)

   Dans son avant-propos de l'ouvrage "Un monde rural en Bretagne au XVe siècle, la quévaise", Jeanne Laurent écrit (1er §) : "Le noyau de cette étude est constitué par une thèse de l'Ecole des Chartes dont je n'avais publié que les positions." Concernant ce sujet, j'ajoute un livre : "Campagnes Rouges de Bretagne" de Ronan Le Coadic (Skol Breizh n° 22) dont la dernière phrase est : "Quel contraste, d'ailleurs, entre les jeunes défricheurs quévaisiers qui vécurent un communisme avant la lettre et la population âgée qui préserve, aujourd'hui, l'héritage de la Résistance..." ; ce bouquin est sorti en novembre 1991.

   Par Jean-Pierre FEVRIER (dec 2000)

   Il y a beaucoup de littérature aussi sur l'usement de quévaise.

A de Barthélémy, Geslin de Bourgogne, Henri Sée, A de La Borderie et d'autres s'y sont penchés. Dans "Les moines rouges de Pont-Melvez" A. Bourgès en a résumé les caractéristiques:

1° Le fonds appartenait au seigneur, mais celui-ci ne pouvait reprendre sa terre que si le tenancier l'abandonnait pendant un an et un jour;
2° Le quevaisier ne pouvait exploiter qu'une tenue; 3° Le juveigneur, c'est-à-dire le dernier enfant mâle, ou à défaut la dernière fille, héritait de toute la quévaise à l'exclusion des frères et soeurs plus âgés;

4° Si le tenancier n'avait pas d'enfant, la tenue retournait en entier au seigneur.

Ce mode de tenure fut matière à de nombreux procès dont un des plus exemplaires eut pour théâtre Pont-Melvez.

Compléments bibliographiques sur la Quévaise: A . Bourgès cite une thèse de Mlle Laurent résumée dans le Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, 1930, t LVII:"un cas de communisme agraire en Basse Bretagne". Je ne sais si c'est la même personne qui a publié 42 ans plus tard: Un monde rural en Bretagne au XVè siècle, La Quévaise, Paris 1972, par J. Laurent.

Ce livre est cité par J.P. Leguay et Hervé Martin dans le numéro de la série Ouest-France sur l'histoire de Bretagne: Fastes et malheurs de la Bretagne ducale 1213-1532, p 269 et sq. En lisant ces ouvrages, vous aurez sans doute beaucoup avancé sur la question....

   Par Maurice OREAL (Juin 2001)

   J'emprunte à Jean-Pierre LEGUAY et Hervé MARTIN dans "Fastes et malheurs de la Bretagne ducale 1213 -1532", les éléments de ma réponse à votre question. "La quevaise était un type d'exploitation agricole propre à certaines parties de la Bretagne, notamment le secteur des Monts d'Arrée jusqu'au limites du Trégorrois, les terres des abbayes cisterciennes du Relec, du Begard, celles des commanderies hospitalières de la Feuillée et de Pont-Melvez, héritières des Templiers.

La quevaise remonte à l'époque des grands défrichements entrepris aux XII et XIIIè siècles dans cette partie de la Bretagne. Les moines ont créé de belles exploitations rurales et ont proposé aux paysans défricheurs, aux "hôtes" des contrats intéressants n'impliquant en aucun cas, une restriction de liberté (contrairement à une idée couramment admise qu'il s'agissait d'une forme de servage).

Chaque tenure de défrichement ou "hostise" comprend à l'origine un logis, un jardin ou courtil et une terre de labour enclose d'un journal de superficie (48 ares 5), le tout exonéré de "dîme" ou plutôt de champart.

Le paysan a la possibilité, s'il le désire, de compléter de maigres ressources en envoyant ses bêtes paître sur les vastes étendues de terre indivise près des villages; il a même la permission d'entreprendre des cultures sur ces "communaux" à condition de verser une partie de sa récolte à l'abbé ou au commandeur. Le taux du champart est de trois gerbes sur vingt chez les Hospitaliers. Les redevances sont faibles et identiques à l'intérieur d'une même seigneurie.

Les quevaises se distinguent aussi des autres tenures paysannes par des droits particuliers, longtemps mal interprétés. Une des originalités majeures est le droit de juveignerie qui fait du plus jeune des enfants le bénéficiaire de l'exploitation et de la maison de ses parents à leur décès. Cette coutume s'explique très bien dans une région où la terre à défricher est abondante et la main d'oeuvre rare. Les aînés quittent très tôt le domicile des parents et trouvent sans difficulté du travail. Le benjamin reste à la ferme, seconde le père, puis recueille sa succession. Le système ne le favorise pas totalement puisque les meubles et les outils familiaux font l'objet d'un partage. Un droit de reversion veut aussi qu'à la mort du juveigneur, sans descendants directs, la quevaise soit reprise par le seigneur, sans possibilité pour ses frères de la réclamer. A l'origine il était interdit à quiconque de détenir deux tenures et une exploitation mal entretenue ou abandonnée un an et un jour pouvait être reprise sans coup férir. D'aucuns y ont vu une marque de servage, une forme déguisée d'attache à la terre, alors qu'il ne s'agissait que de lutter contre l'humeur vagabonde des "hôtes" qui gardaient toujours la possibilité de s'en aller.

Mais au XVè siècle l'institution a beaucoup changé. Les paysans ont cessé de défricher et, de pionniers qu'ils étaient au départ, ils sont devenus des tenanciers comme les autres, souvent revendicatifs, prêts à attaquer leurs seigneurs devant les tribunaux, cherchant à accroître par tous les moyens leurs privilèges. Les usages tombent en désuétude; le cumul jadis prohibé est permis et certains cherchent à annexer à leurs enclos, exempts de champart, des portions entières de terre indivise soumise à l'impôt. Le droit de juveignerie, jadis si strict, souffre de toutes sortes d'accommodements et l'obligation de résider n'est même plus observée. On voit des nobles, des prêtres, des officiers, des bourgeois se porter acquéreurs de quevaise."

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