Mise à jour le : 19/04/05

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Edit

du Roy

Portant Règlement pour les

Tutelles en Bretagne

Donné à Versailles au mois de Decembre 1732

Registré en Parlement le 9. Mars 1733

Louis par la grace de Dieu, Roy de France & de Navarre : A tous presens & à venir, Salut. L’intérêt des Mineurs sur lequel la Loy veille toujours, pendant que la foiblesse de leur âge ne leur permet pas de le faire eux-mêmes, avoit porté les anciens Redacteurs & les premiers Réformateurs de la Coûtume de Bretagne, à établir que nul ne pourroit exercer la fonction de Tuteur, qu’après avoir donné une caution solvable pour sûreté de son administration ; par une précaution encore plus grande les derniers Réformateurs de la même Coûtume jugerent à propos d’ajoûter à cette disposition que les Officiers de la Justice où la Tutelle seroit déferée, demeureroient responsables des cautions qu’ils auroient reçues, & dans la suite la difficulté de trouver des cautions solvables, engagea nôtre Cour de Parlement de Bretagne à y substituer les Parents nominateurs, comme responsables, solidairement de la gestion du Tuteur ; mais cette Jurisprudence quoique fondée sur les principes des Loix Romaines & avantageuse en elle-même aux Mineurs, a produit un effet contraire en Bretagne, parce qu’on n’y a pas apporté les temperamens necessaires pour en prevenir les inconveniens & en adoucir la rigueur. La qualité de Nominateur est devenue si onéreuse & si redoutable dans cette Province, que les plus proches Parens des Mineurs & les plus solvables, ne cherchent qu’à s’en exempter sous differens prétextes, & sur-tout à la faveur des privileges qu’ils acquierent ; d’où il arrive souvent, ou que les Mineurs demeurant longtems sans secours & sans défenses, ou que le Juge étant forcé de remettre la Tutelle en des mains incapables de la bien administrer, les Mineurs se trouvent dans une situation encore plus facheuse que s’ils n’avoient point de Tuteur. Quant même le choix des Parens seroit tombé sur un Sujet plus digne, la crainte des suites de la Tutelle engage le Tuteur & les Nominateurs à en précipiter la fin par des Emancipations prématurées qui livrent les Mineurs à leur propre conduite, dans un âge où ils ne peuvent encore que se nuire à eux-mêmes, par leur imprudence ou par leur facilité : Nous sçavons enfin qu’il se forme quelquefois une intelligence frauduleuse entre le Tuteur et le Mineur, après l’expiration de la Tutelle, pour en faire retomber tout le poids sur les Nominateurs, ou du moins l’on éprouve souvent que l’assurance de pouvoir en tous tems exercer un recours contr’eux produit tant de lenteur & de negligence dans la reddition des comptes de Tutelle, que les procès qui se perpetuënt sur ce sujet dans plusieurs generations, tiennent en suspens la fortune des familles, nuisent à la liberté du commerce, & engagent tous les heritiers dans les discussions ruineuses d’un benefice d’inventaire, dont on ne voit presque jamais la fin. Ce sont tous ces inconveniens qui ont excité les Etats de nötre Province à nous supplier instament de vouloir bien y remédier par nôtre autorité ; & nous sçavons que la Loy qu’ils nous demandent sur cette matiere, n’est pas moins desirée dans nôtre Parlement de Rennes, où l’on a déjà travaillé il y a plusieurs années à chercher les moyens de renfermer l’ancienne Jurisprudence dans les bornes legitimes. Nous suivrons donc les vœux de cette Compagnie comme ceux de toute la Province, en ne differant pas plus long-tems de faire paroître une Loy si necessaire , & Nous entrerons en même-tems dans les veritables intérêts des Mineurs, par le juste milieu que nous avons d’y garder entre un défaut de précaution qui pourroit leur être fatal, & un excès de rigueur dont les suites leur seroient peut-être encore plus préjudiciables. C’est dans cette vùë que Nous avons jugé à propos d’accorder quelques avantages à la Tutelle testamentaire, qui, quoique autorisée par la Coùtume & par les plus anciennes mœurs de la Bretagne n’y étoit presque plus en usage, parce que la condition des Tuteurs qui avoient pour eux la faveur d’un choix fait par le pere même des mineurs, y étoit devenue entierément égale à celle des Tuteurs nommez par le Juge. Nous y ajoùterons plusieurs dispositions favorables aux Nominateurs, & encore plus utiles aux Mineurs, dont les avantages se trouveront par-là tellement liés avec ceux de leurs Parens, que ce qui sera la sùreté des uns, servira en même-tems à la décharge des autres, & que les interêts de tous les engageront également à se réünir dans l’observation exacte de la Loy. A CES CAUSES & autres à ce nous mouvans, de l’avis de nôtre Conseil, & de nôtre certaine science, pleine puissance & autorité Royale ; Nous avons par nôtre présent Edit perpetuel & irrevocable, dit, statué, declaré & ordonné, disons, statuons, declarons & ordonnons, voulons & nous plaît ce qui suit ;

ARTICLE PREMIER

La Mere ou autres Ascendans, comme aussi les heritiers presomptifs du Mineur, seront tenüs conformément à l’article quatre cens quatre vingt six de la Coùtume de Bretagne, de faire les diligences necessaires en la maniere accoùtumée pour faire pourvoir de Tuteur aux Mineurs dans les délais portés par ledit article, si-non ils demeureront responsables du dommage que lesdits Mineurs pourroient souffrir par leur negligence.

II.

Après lesdits délais expirez & faute par la Mere, les autres Ascendans ou les heritiers presomptifs, d’avoir satisfait à l’article précedent, il sera procedé dans quinzaine, à leurs frais & à la diligence de nos Procureurs ou de ceux des Seigneurs, à la Nomination du Tuteur, à peine contre lesdits Officiers de demeurer pareillement responsables du dommage que les Mineurs pourroient souffrir, sans néanmoins qu’ils puissent en être tenus, que subsidiairement à la Mere, ou aux autres Ascendans, ou ausdits heritiers.

III.

Pour proceder à la nomination du Tuteur, il sera appellé douze Parens, sçavoir, les six plus proches du côté paternel, & les six plus proches du côté maternel.

IV.

Entre lesdits Parens, les Ascendans, les Freres et Oncles des Mineurs seront appellez les premiers, & après eux, les autres Parens collateraux les plus proches desdits Mineurs, en préferant toujours toux ceux de la branche aînée à tous ceux des branches cadettes, & l’aîné de chaque branche aux puînez de la même branche, le tout jusqu’à ce que le nombre de douze soit rempli, sans que les Parens plus éloignez dans l’ordre de succeder puissent être appelez ; si ce n’est, lorqu’il n’y en aura pas assex entre les plus proches dans ledit ordre, pour remplir ledit nombre.

V.

S’il n’y avoit pas six Parens, d’un côté, ceux de l’autre côté seront appelez pour parfaire le nombre de douze, & s’il ne s’en trouve pas assez dans les deux côtés, ensemble les voisins ou les amis du defunt seront appelez, sans que lesdits amis ou voisins soient responsables, même subsidiairement de l’administration de celui qui aura été nommé Tuteur sur leur avis, si ce n’est en cas de dol ou de fraude.

VI.

Ceux qui, à l’occasion des Offices par eux acquis, ont obtenu l’exemption de Tutelle ou de Curatelle, ne pourront prétendre sous prétexte des Edits & Declarations qui leur accordent ce privilege, être exempts d’assister & de donner leur avis aux Elections de Tuteurs ou Curateurs, ni de subir les mêmes charges que les autres Nominateurs non privilegiez, & ce, quand même l’exemption de la nomination se trouveroit expressement comprise dans quelques-uns desdits Edits et Déclarations, ausquels nous avons dérogé & dérogeons à cet égard.

VII.

Les Parens qui ne se presenteront pas sur l’assignation qui leur aura été donnée à personne ou domicile, seront reputez presens et soùmis aux-mêmes charges que les autres ; et à l’égard de ceux qui s’étant presentez auront prétendu avoir une excuse valable, ou justifié qu’ils ne sont pas les plus proches du Mineur dans l’ordre de succeder, ils pourront, lorsque le juge n’aura pas eu égard à leurs exceptions, se pourvoir par appel contre son jugement. Voulons qu’en cas que ledit jugement soit infirmé, nôtre Cour de Parlement puisse ordonner, s’il y écheoir, que les procedures qui seront necessaires pour reparer la faute dans laquelle le Juge sera tombé, seront faites aux frais dudit Juge.

VIII.

Le Tuteur sera nommé par le Juge, à la pluralité des voix des Parens Nominateurs, & en cas d’égalité de suffrages, ledit Juge préferera celui qu’il estimera le plus digne, entre ceux qui auront été nommez par les parens.

IX.

Et desirant empêcher que, par un abus qui s’est introduit dans quelques Provinces de nôtre Royaume, les Parens nominateurs ne cherchent à s’exempter du peril de la Tutelle, en donnant leurs suffrages à un sujet qu’ils prévoyent ne pouvoir être nommé, voulons que ceux mêmes dont l’avis n’aura pas été suivi, demeurent responsables ainsi qu’il sera dit ci-après, de la gestion du Tuteur qui aura été nommé ; si ce n’est qu’ils ayent interjetté appel de la Sentence de Tutelle, & fait infirmer ladite sentence, lequel appel ils seront tenus de relever en nôtre Cour de Parlement dans trois mois, au plus tard, à compter du jour de la Sentence, si-non ils demeureront déchus de plein droit dudit appel, ou de la faculté d’appeler.

X.

En cas que sur l’appel la Sentence ait été infirmée, & que par nôtredite Cour, il ait été pourvù d’un autre Tuteur aux Mineurs, tous les Parens nominateurs, tant ceux qui avoient interjetté appel de la Sentence, que ceux qui n’en avoient point appellé, demeureront garants, ainsi qu’il sera dit ci après, de l’administration du Tuteur qui aura été substitué par nôtredite Cour, à la place de celui qui avoit été nommé par le premier Juge.

XI.

Les Juges seront tenus de faire signer l’acte de Tutelle par les Parens ou leurs Procureurs fondez de procuration speciale, & ne seront responsables de l’insolvabilité du Tuteur, de sa Caution, s’il y en a une, ou des Parens nominateurs, qu’en cas qu’ils n’eussent pas observeé ladite formalité, ou qu’ils eussent contrevenu à l’article VIII, ci-dessus, en nommant un Tuteur contre la pluralité des voix, ou qu’il y eùt eu de leur part, du dol ou de la fraude

XII.

Aucune caution ne pourra être reçùë qu’en présence des Parens nominateurs, ou eux dùëment appelez, & sur les conclusions de nos Procureurs ou de ceux des Seigneurs

XIII.

L’article DI. de la Coûtume de Bretagne, portant que le pere peut bailler à ses enfans Mineurs, Tuteur ou Curateur par son Testament, sera executé selon sa forme & teneur. Et lorsque le pere aura usé du droit à lui accordé par cet article , le Tuteur par lui nommé ne pourra agir en vertu de ce titre, qu’après y avoir été autorisé par le Juge de la Tutelle, sur l’avis de six Parens paternels, & de six Parens maternels du Mineur de la qualité ci-dessus marquée, lesquels seront assignés à la requête dudit Tuteur, ou à son défaut à celle de la Mere, ou autres dénommés ci-dessus ; le tout conformément aux articles I. II. III. IV. V. & VI. du présent Edit, & sera tenu ledit Tuteur de prêter serment pardevant le Juge de la Tutelle, ainsi que les autres Tuteurs.

XIV.

En cas que lesdits Parens s’opposent à l’autorisation dudit Tuteur, ils seront tenus de proposer en même-tems, les causes & moyens de suspicion ou d’exclusion, qu’ils croiront devoir alléguer contre lui, pour y être statué par le Juge, ainsi qu’il appartiendra, & s’il y a appel de son jugement, soit de la part du Tuteur ou de celle des Parens, la disposition des articles IX. & X. ci-dessus sera observée en ce qui concerne ledit appel.

XV.

Les Parens nominateurs seront tenus d’imposer, soit au Tuteur par eux élù, soit à celui qui aura été nommé par le Testament du Pere, l’obligation de rendre compte successivement de la gestion dans le tems qu’ils jugeront à propos, qui sera au plus d’un an, après la prestation de serment dudit Tuteur, & ensuite de trois ans en trois ans, jusqu’à la fin de la Tutelle, ou dans un terme plus court, s’ils l’estiment à propos, à l’effet de quoi lesdits Parens seront tenus de nommer au moins deux d’entre-eux qui seront charges expressement par l’acte de Tutelle, d’obliger le Tuteur à rendre lesdits comptes, sauf aux autres Parens de se joindre ausdits deux Parens, si bon leur semble, ou de poursuivre eux-mëmes ledit Tuteur pour l’y contraindre. Et en cas de negligence de la part desdits deux Parens nommez par l’acte de Tutelle, voulons qu’ils demeurent solidairement responsables, tant envers le Mineur, qu’envers les autres Parens, du préjudice que le Mineur pourra souffrir par le défaut de reddition desdits comptes.

XVI.

Le compte auquel les Parens auront assujetti le Tuteur, suivant ce qui est porté par l’article précédent, sera rendu sommairement & sans frais, en présence de trois des Nominateurs, qui seront nommez à cet effet dans l’acte de Tutelle ou d’autorisation du Tuteur testamentaire, sauf aux autres Parens à y assister si bon leur semble : & en cas qu’il soit fait sous signature privée, il en restera un double signé du Tuteur entre les mains desdits Parens. N’entendons empêcher par le contenu au present article, & dans l’article précedent, que le Juge de la Tutelle ne puisse, en tout tems, ordonner un compte par devant lui, lorsqu’il en sera requis par l’un desdits Parens, lequel compte sera rendu aux frais de celui qui l’aura requis, ou du Mineur, ainsi qu’il sera ordonné par le Juge

XVII.

Voulons que conformément à l’Art. 485. de la Coûtume de Bretagne lesdits Parens puissent nommer par l’acte de Tutelle, ou par l’acte d’autorisation du Tuteur testamentaire, tels des Parens, ou tels avocats, ou autres personnes qu’ils jugeront à propos, par l’avis desquels le Tuteur sera tenu de se conduire dans l’administration de la Tutelle, sans néanmoins que les Parens qui auront été nommez pour être le conseil de ladite Tutelle, puissent prendre aucune résolution sur le lieu de la demeure, ou sur l’éducation, & sur le mariage du Mineur, si ce n’est en la présence & de l’avis de tous les Parens qui auront assisté à l’acte de Tutelle, ou à l’autorisation du Tuteur testamentaire, ou eux dûëment appellez.

XVIII.

Si le Tuteur nommé par les Parens ou par le Testament du Pere, trouve des deniers comptans en entrant dans l’administration des affaires du Mineur, il sera tenu d’en faire employ dans les six mois suivans, à peine d’en payer au Mineur l’intérêt sur le pied de l’Ordonnance après ledit délay expiré, même des dépens, dommages & intérêts du Mineur s’il y échet ; sur lesquels deniers seront néanmoins prelevées les sommes necessaires pour le payement des dettes & charges de la succession, ou pour la nourriture & entretien du Mineur, ainsi qu’il aura été réglé par l’acte de Tutelle ou par l’acte d’autorisation du Tuteur testamentaire.

XIX.

Le Tuteur élù ou testamentaire, ne pourra recevoir aucun remboursement, au nom du Mineur, qu’à la charge d’employer les deniers qui en procederont, ainsi qu’il sera dit cy-après, lequel employ il sera tenu de faire dans le tems de six mois, à compter du jour de chaque remboursement, sous les peines portées par l’Article précédent.

XX.

Ledit Tuteur sera tenu de faire employ dans le même délay & sous les mêmes peines, du restant du revenu du Mineur, déduction faite de ce qui aura été jugé nécessaire pour le payement des dettes ou charges, & pour son entretien, nourriture & éducation, ou pour l’administration de ses biens ; à l’effet de quoy les Parens qui auront assisté à l’acte de Tutelle ou à l’acte d’autorisation du Tuteur testamentaire, fixeront la quantité de la somme qu’il faudra que le Tuteur ait entre ses mains pour être tenu d’en faire employ, ce qu’ils seront obligez de faire, toutes les fois qu’il se trouvera de l’excedent dans les revenus dudit Mineur.

XXI.

Pourront lesdits Parens apposer pour condition à la gestion du Tuteur par eux nommé, ou du Tuteur testamentaire, que tous les deniers dont il sera tenu de faire employ suivant les Articles précedens, seront déposez dans un coffre fermant à deux clefs différentes, qui seront remises, l’une entre les mains du Tuteur & l’autre en celle de l’un des Parens qui aura été choisi à cet effet par l’acte de Tutelle ou d’autorisation du Tuteur testamentaire, ce qui pourra pareillement être ordonné par le Juge pendant le cours de la Tutelle ; en cas qu’il en soit requis par un ou plusieurs desdits Parens.

XXII.

Le delay de six mois dans lequel le Tuteur sera tenu de faire employ, suivant les articles XVIII. XIX. Et XX . cy-dessus, pourra être prorogé, s’il y échoit par l’avis des Parens, au nombre qui sera prescrit par l’Article XXIV du present Edit, sans néanmoins que le delay entier puisse exceder le tems d’une année.

XXIII.

L’Art. CII. de l’Ordonnance d’Orléans sera executé selon sa forme et teneur, & en conséquence les deniers des Mineurs ne pourront être employez à l’avenir, qu’en acquisition de fonds d’héritages, de maisons ou de rentes constituées ou autres emplois autorisez par nos Ordonnances, le tout de la manière & ainsi qu’il sera prescrit au Tuteur, même testamentaire , par l’avis desdits Parens, suivant la fortune, la condition & l’état des affaires du Mineur.

XXIV.

Lesdits emplois ne pourront être faits que par l’autorité du Juge de la Tutelle, sur l’avis desdits Parens, au nombre de six au moins ; sçavoir, trois du côté Paternel & trois du côté Maternel, convoqué à cet effet, à la diligence du Tuteur, même à celle d’un ou plusieurs desdits Parens, s’ils le jugent à propos, entre lesquels Parens seront necessairement appelez ceux qui auroient été choisis entr’eux pour être conseil de la Tutelle ; seront en outre appelées les autres personnes qui auront été nommées pour être dudit conseil , s’il y en a, & pourront lesdits Parens exiger par leur avis, que lesdits emplois ne soient faits qu’en presence de l’un deux qu’ils nommeront à cet effet, et qui signera l’acte de l’employ, conjointement avec ledit Tuteur.

XXV.

Ledit Tuteur, sa caution & lesdits Parens ne seront point responsables des emplois faits dans la forme cy-dessus prescrite, s’il n’y a eu de dol ou de la fraude.

XXVI.

Et attendu que l’interêt des Mineurs demande encore plus nôtre attention que celui des Parens nominateurs, auquel nous avons suffisamment pourvu par les précautions établies dans les Articles précedents. Voulons que lesdits Parens nominateurs continuënt d’être responsables, ainsi qu’il sera dit ci-après, de l’insolvabilité du Tuteur par eux élù, & de sa Caution, s’il en a donné une, discussion préalablement faite des biens dudit Tuteur & de sa Caution.

XXVII.

La disposition de l’Article précedent n’aura lieu, par rapport aux Tuteur nommé par le testament du Pere, qu’en cas que les Parens qui auront été appellez pour l’autorisation dudit Tuteur ayent consenti à l’autorisation d’un Tuteur notoirement insolvable, ou qu’ils ayent obmis d’imposer au Tuteur testamentaire l’obligation de rendre compte, suivant les Articles XV. & XVI. du present Edit, ou negligé de veiller à la reddition desdits comptes & à l’employ des deniers du Mineur, conformément aux Articles XVIII. XIX. XX. & XXIII. Cy-dessus, & pareillement dans tous les cas où il y auroit eu du dol & de la fraude de leur part.

XXVIII.

La garantie portée par l’Article XXVI. ou celle qui aura lieu dans les cas marquez par l’Article précedent , ne seront point solidaires contre lesdits Parens, & n’auront lieu que pour leur part & portion : & néanmoins, en cas qu’aucun d’eux soit insolvable, les autres seront tenus susidiairement des parties des insolvables, chacun par égale portion.

XXIX.

Dans les cas où ladite garantie pourra être exercée elle aura lieu jusqu’à ce que le Tuteur ou ses héritiers, successeurs ou ayant cause, ayant rendu le compte de Tutelle, que ledit compte ait été clos et arrêté, le reliqua payé, s’il en est dû, & les pieces justificatives remises au Mineur ou à ses héritiers, successeurs, ou ayant cause, le tout sans préjudice des exceptions qui seront cy-après marquées.

XXX.

Si le Mineur devenu Majeur ou ses heritiers successeurs ou ayant cause, ne font aucune poursuites contre le Tuteur dans les trois ans après sa Majorité, ils ne pourront être reçù à exercer aucun recours contre les Parens qui en seroient tenus de droit ; ce qui aura lieu pareillement, en cas que dans cinq ans, à compter dudit jour de la Majorité, ils n’ayent pas fait toutes les poursuites & diligences necessaires en Justice pour faire clore & arrêter le compte de Tutelle, sans néanmoins que sous prétexte des dispositions du present Article, le Tuteur élù par les Parens, ou nommé par le Testament du Pere, ni leurs héritiers successeurs ou ayant cause, puissent opposer aucune autre prescription, que celle de trente ans audit Mineur & à ses Représentants.

XXXI.

Le Mineur devenu Majeur, ou ses héritiers ou representans, seront pareillement tenus de dénoncer aux Parens nominateurs ou à leurs héritiers & representans sa demande en reddition de compte, ou celle que le Tuteur auroit formée contre lui, pour parvenir à le rendre, & de leur notifier la Juridiction en laquelle l’une ou l’autre de ces demandes aura été portée, laquelle dénonciation il sera obligé de faire dans trois mois au plus tard, à compter du jour de sa demande ou de celle du Tuteur ; le tout à peine contre ledit Mineur & ses héritiers ou representans, d’être déchùs de leur recours contre lesdits Parens, ce qui aura lieu pareillement à l’égard des Parens qui auront été appellez à l’autorisation en Justice d’un Tuteur testamentaire, lorsque le Mineur prétendra qu’ils sont dans le cas d’être responsables de la Tutelle.

XXXII.

Lesdits Parens ou leurs heritiers & representans pourront assister, si bon leur semble, à la reddition dudit compte, même le provoquer, ou faire les poursuites necessaires pour l’appurement, le tout à leurs frais, sauf à repeter lesdits frais, s’il est ainsi ordonné par Justice contre le Tuteur, même contre le Mineur, ou ses héritiers ou representans, & ne pourront proceder dans tous lesdits cas que conjointement & par le ministere d’un seul Procureur.

XXXIII

Abrogeons la disposition des Articles DXV. & DXVI. de la Coûtume de Bretagne, qui portent que le Mineur est hors de Tutelle à l’âge de puberté, & que la Justice doit alors le pourvoir de curateur, & en conséquence ; Voulons qu’à compter du jour de la publication du present Edit, la Tutelle dure de droit jusqu’à ce que le Mineur ait atteint l’âge de vingt-cinq ans accomplis.

XXXVIII.

Les Tuteurs cy-devant nommez, seront pareillement tenus de se conformer aux dispositions des Articles XVIII. XIX. XX. XXII. XXIII. XXIV. & XXV. du present Edit, à l’égard de tous les emplois des deniers des Mineurs qui seront à faire après la publication dudit Edit.

XXIX.

Les Parens nominateurs pourront, même à l’égard desdites Tutelles commencées, prendre les précautions autorisées par les Articles XVII. & XXI. cy-dessus.

XL.

Ordonnons que les Articles XXVI. XXVIII. XXIX. XXX. XXXI. & XXXII. concernant la garantie, à laquelle les Parens nominateurs sont sujets, & la reddition des comptes de Tutelle, comme aussi les Art. XXXIII. XXXIV. & XXXV. sur les Emancipations, & pareillement l’Art. XXXVI. sur le Tribunal ou les appellations des Sentences renduës en matière de Tutelle, doivent être relevées, soient executez selon leur forme et teneur, même à l’égard desdites Tutelles commencées avant la publication du present Edit.

XLI

Dérogeons aux Articles DIV. & DVII. de la Coûtume de Bretagne, en ce qu’ils ordonnent que la Mere & les Parens paternels seront prefere aux parens maternels, pour les Tutelles, & y seront les premiers contrain ; ordonnons qu’à l’exception du Pere et de l’Ayeul paternel, survivant au Pere, il n’y ait point d’autres Tuteurs que ceux qui auront été nommez par Justice, sur l’avis des Parens ou autorisez par le juge, en consequence de la nomination faite par le Testament du Pere, ainsi qu’il a été dit cy-dessus..

XLII.

Voulons au surplus que tous les Articles de la Coûtume de Bretagne, concernant les Tutelles et Curatelles, & en general l’administration de la personne & biens des Mineurs, ausquels il n’a pas été dérogé par le present Edit ; & qui n’y ont rien de contraire, soient executez selon leur forme & teneur, ainsi qu’ils l’ont été par le passé.

SI DONNONS EN MANDEMENT, à nos amez & feaux les gens tenans nôtre Cour de parlement de Bretagne que nôtre present Edit ils ayent à faire lire, publier & enregistrer, & le contenu en icelui garder & executer selon sa forme & teneur. CAR TEL EST NOTRE PLAISIR, & afin que ce soit chose ferme & stable à toûjours, Nous y avons fait mettre nôtre scel. DONNE à Versailles au mois de Décembre, l’an de grace mil sept cens trente-deux ; Et de nôtre Regne le dix-huitiéme. Signé, LOUIS. Et plus bas, par le Roy, PHELYPEAUX, CHAUVELIN. Et scellez du grand Sceau de cire verte.

EXTRAIT DES REGISTRES DE PARLEMENT.

Leû & publié à l’Audience publique de la Cour, & enregistré au greffe d’icelle : Oüy & ce le requerant le Procureur General du Roy, pour avoir effet suivant la volonté de Sa Majesté, Ordonne ladite Cour, que copies dudit Edit seront à la diligence dudit Procureur general du Roy envoyées ausdits Sieges Présidiaux & Royaux de ce Ressort, pour à la diligence de ses Subtituts y être pareillement lues, publiées & enregistrées, à ce que personne n’en ignore, & du devoir qu’ils en auront fait, d’en certifier la Cour dans le mois. Fait en Parlement à Rennes le 9. Mars mil sept cens trente trois. Signé C.M. PICQUET.

Proposé par Maurice OREAL

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