Mise à jour le : 04/05/04

Remonter

Les Descendants de Bagnards au CG22

Christian SOURDAINE

L'AFFAIRE DE COATASCORN

Françoise PICOLO

Le Bagnard Pierre Picolo

 

L'AFFAIRE DE COATASCORN 

  

Lorsque nous avons trouvé l'acte de décès d'Yves LE MEN (Sosa N° 72) la mention "décédé aux hôpitaux maritimes de Brest" n'a pas particulièrement attiré notre attention. C'est au cours d'une discussion inopinée avec Jean Le BRIS. au Cercle Généalogique de Brest que la vérité nous est apparue. Yves LE MEN était un bagnard. Et de plus, à la lecture de sa matricule, nous apprenions que l'un de ses compagnons d'infortune n'était autre que Jean MALARGE (Sosa N° 74) dont nous cherchions vainement la trace...

 Février 1817. La vie est bien dure dans les campagnes trégorroise bordant la vallée du Jaudy au nord de Guingamp (Côtes d'Armor). Le peuple des campagnes qui a faim, redoute le retour des droits féodaux et vit dans un monde dur et fruste.

Quatre hommes dont Yves LE MEN et Jean MALARGE, accompagnés de quatre jeunes femmes plus ou moins enrôlées de force, se rendent de nuit dans le petit village de Coatascorn chez un couple de paysans aisés où, avec des sévices qui rappellent les exploits des "chauffeurs de pieds", ils dérobent quelques pièces d'or, des hardes et toutes les provisions de blé, de farine, de beurre et de lard...

Une enquête minutieuse menée par la maréchaussée et le juge d'instruction permet de découvrir rapidement les coupables qui sont bientôt incarcérés. La Cour d'Assises de St-Brieuc condamne les hommes aux travaux forcés à perpétuité et les femmes à la prison à vie, sauf une enfant de quatorze ans envoyée en maison de correction jusque sa majorité "pour lui éviter de sombrer dans la mendicité"... 

Avant de rejoindre "la chaîne" qui les conduira à Brest ils sont exposés et flétris "par l'application d'une empreinte avec un fer brûlant sur l'épaule droite des lettres T.P."

Yves LE MEN meurt au bagne en 1823, Jean MALARGE en 1835. Le fils du premier épousera la fille du second le 18 octobre 1834. Onze enfants naîtront de cette union. Quatre garçons deviendront instituteurs, dont seront issues plusieurs générations d'enseignants jusque mon père. L'affaire de Coatascorn était bien oubliée et il a fallu le hasard de recherches généalogiques pour renouer les fils de cette sombre histoire...

  Christian SOURDAINE

 Sources:

- Matricules du bagne de Brest 

- A.D. des Côtes d'Armor - Justice - Cote 2 U 232

- Etat civil de Coatascorn, Plouec-du-Trieux et Ploézal 

- "Bagnards à Brest" de Philippe HENWOOD- Editions Ouest-France 

Remonter

Le Bagnard Pierre Picolo

A partir de mon histoire d'ancêtre "bagnard",  dont j'ignorais tout, et que JCLB m'a fait découvrir grâce au site GALFOR, et d'autres témoignages sur le sujet, une page "secrets de famille" a été créée au cg22. Cela m'a un peu déroutée, car je n'avais pas envisagé cette affaire sous cet angle. Je sais si peu de choses sur mes propres grands-parents, qu'il est fort probable que mon grand-père lui-même ne savait rien sur son ancêtre. Je suppose quand même que le silence a dû être un peu forcé pendant une ou deux générations, on ne peut empêcher le "qu'en dira-t'on" de s'exprimer.

Pierre Picolo est né le 3 juillet 1777 à Saint-Laurent et il a été condamné aux travaux forcés le 2 août 1817. Il était marié depuis 1802. Conséquence, entre 1802 et 1817,  plusieurs enfants ont dû naître dans son foyer.

Celui dont je descends , Pierre Marie, est né le 10 avril 1816 à Trégrom. Qu'a-t'il pu savoir, lui qui n'a pas connu son père ?

Il m'a fallu, pour résumer un peu l'affaire, me replonger dans le dossier du procès : 103 pages, la plupart manuscrites. J'ai eu quelquefois un peu de mal à déchiffrer, et donc l'exactitude de certains noms de famille n'est pas garantie.

Description des faits :

Dans la nuit du 3 au 4 mars 1817, un individu s'introduisit au moyen d'une échelle dans une chambre au-dessus de l'écurie du Grand Launay à Trégrom, maison habitée par Yves Le Pennec, dans laquelle fut volée une somme de 580 Francs, mise dans un sac de poudre.

Ce dernier ne s'aperçut pas immédiatement de son infortune, mais lorsqu'il la constata, Yves Le Roy, 31 ans, cultivateur demeurant au Grand Launay, se rappela avoir vu, le soir du 3 Mars, Pierre Picolo sautant au bas de l'échelle placée sous la fenêtre de ladite chambre, dans laquelle était caché le trésor. Il ajouta que ce dernier l'avait menacé de lui porter un coup de couteau s'il révélait l'avoir vu.

Yves Le Pennec, qui était adjoint, organisa avec l'aide du maire Henry Nicolas, un piège destiné à faire parler le suspect. Dans la maison du maire, François Plougras et Jean Coatleven furent cachés, pour entendre la conversation provoquée par le maire avec Pierre Picolo, et ainsi servir de témoins.

Sous la menace d'être envoyé en prison, Pierre Picolo ne résista pas, et proposa de rembourser l'argent "qu'il avait trouvé" près de la maison du Grand Launay. Il dît ignorer à qui il appartenait. Cependant, il ne remboursa que 490 Francs, ayant dépensé le reste. Il promit de le rendre rapidement.

Des langues se délièrent. Ainsi Françoise Le Bonniec, veuve d'Henry Guéguen, cultivatrice, accusa Picolo de vol de bois de chauffage "durant la grand-messe", dans le courant d'Octobre 1816, et ajouta l'avoir vu sortir de chez Le Pennec avec une poche qu'elle présumait être du blé pouvant peser un demi boisseau (25 kg) - et que ledit Picolo était à ce moment-là domestique à gage d'août chez Le Pennec.


Louise Derrien déclara que le dimanche 10 novembre dernier, pendant la grand-messe, elle vit le nommé Picolo couper du bois de dessus une pièce de terre appartenant au sieur Le Pennec ; qu'environ 15 jours après, elle le vit aussi pendant la grand-messe emporter du gros bois à feu d'une pièce de terre appartenant à Le Pennec.

Fort de ces accusations, et de l'appui de ses  "témoins", Yves Le Pennec porta plainte le 29 mars 1817 devant le Juge de Paix. La plainte portait :


- que dans la nuit du 3 au 4 mars dernier, on lui avait enlevé du grain,
- qu'à diverses autres reprises, on avait aussi volé du grain dans la même chambre,
- que Picolo avait déjà volé au préjudice d'Yves Le Pennec du bois de chauffage et des draps de lit
- que postérieurement à la plainte, Picolo vint chez lui et lui dit qu'il s'était introduit dans la nuit du 3 au 4 mars à l'aide d'une échelle dans la chambre où il avait pris l'argent.

Mon ancêtre nia avoir avoué au maire qu'il était l'auteur du vol, et dit qu'il avait restitué l'argent à Le Pennec, parce que le maire lui avait dit qu'il lui appartenait.

Le 3 mai 1817, se sont présentés devant Aimable Le Roy, Juge de Paix du canton de Plouaret :

- Yves Le Pennec, adjoint, propriétaire et cultivateur, âgé d'environ 58 ans, époux de Jeanne Beubry,
- Henry Marie Nicolas, cultivateur et maire, âgé de 35 ans, époux de Marguerite Dolo,
- François Plougras, sacristin, 60 ans environ, époux d'Anne Le Bonniec,
- Jean Coatleven, journalier laboureur, âgé d'environ 54 ans, époux de Marguerite Le Thomas,
- Françoise Le Bonniec, veuve d'Henry Gueguen, cultivatrice,
- Yves Le Roy, époux de Jeanne Le Roy, cultivateur,

demeurant tous en la commune de Trégrom, cités à comparaître en qualité de témoins.


Un arrêt rendu le 13 juin 1817 par cette cour mit en accusation Pierre Picolo, âgé de 39 ans, fournier et laboureur, né à Saint-Laurent, domicilié à Trégrom, et le renvoya pour être jugé devant la cour d'assises comme accusé d'avoir commis un vol d'argent au préjudice d'Yves Le Pennec....

Le 2 août 1817, une session extraordinaire de la Cour d'Assises, au Palais de Justice de Saint-Brieuc, condamna à l'unanimité mon ancêtre :

- à 6 années de travaux forcés
- surveillance à vie par la haute justice de l'état
- 100 Francs de cautionnement, qu'il sera tenu de fournir,
- remboursement des frais de la procédure liquidée à 173 Francs 85 Centimes,
- exposition pendant 1 heure sur la principale place publique de Saint-Brieuc, amené par la gendarmerie, attaché à un collier de fer fixé à un poteau élevé à cet effet "au haut duquel un écriteau indiquait en caractères gras et lisibles de tous le nom, la profession, le domicile, la peine et la condamnation de Pierre Picolo".

Description physique, indiquée sur l'acte d'accusation : taille 1,68 mètre, cheveux, sourcils et barbe noirs, front haut, yeux gris, nez aquilin, bouche moyenne, menton rond, visage ovale, teint brun.

Mon ancêtre est décédé le 6 juillet 1818 à Brest. Je ne sais pas pourquoi ni comment. Je crois que s'il avait été un dur de dur, il aurait résisté.

Ce que je peux imaginer sans peine, c'est la misère de sa famille, déjà avant les faits, mais encore plus après. Mon père m'a suffisamment raconté les conditions de vie de son enfance (né en 1902) pour que je n'ai aucun doute à ce sujet.

La veuve de Pierre Picolo, Renée BOUGET, était présente au mariage de son fils Pierre avec Marie-Jeanne GREGER le 27 juillet 1837.

                                                                        
  Le 30 Juin 2002
                                                                          Françoise Picolo


P.S. Parmi les 12 jurés en cours d'assises, on comptait 3 notaires... Et l'un des autres jurés s'appelait, ironie du sort, Jean BOUGET.

FrancoiseANDREA@aol.com

 

 

 

Petits ou Grands 

toutes les Familles ont des Secrets

envoyez vos récits au CG22

ils seront publiés sur cette page

 pour envoyer votre participation, contacter la rédactrice de la page

 

Remonter

 

Marie Boucher  : Webmaster